Ou comment illustrer les tenants et les aboutissants du centrage d'un planeur
Points caractéristiques
FA : Foyer de l’aile (25% CMA aile)
FH : Foyer du stab (25% CMA stab)
F : foyer planeur = limite centrage arrière théorique
G : Centre de Gravité du planeur
Un planeur se comporte comme une balance à plateaux autour de son CG
Efforts et moments
Planeur à l’équilibre autour de G = une balance à plateau autour d’un axe passant par le CG avec un ressort de montre à l’articulation représentant le Cm0 (Cm zéro)
Une portance (Cz) génère un moment au travers du bras de levier par rapport à l’articulation (G).
L’action d’un « moment pur » (Cm0) correspond à l’action d’un ressort spiralé attaché en G
Effet centrage sur l'équilibre du planeur de voltige (Cm0=0)
Centrage 25%
⇒ le stab ne porte pas
Centrage « classique »
⇒ le stab est nécessairement porteur pour contrer le moment cabreur du Cz aile par rapport au CG
Effet centrage sur l'équilibre du planeur classique (Cm0<0)
Centrage plutôt avant et/ou Cm0 fortement négatif
⇒ le stab est déporteur
Centrage tel que CG au CP de l’aile (cas très particulier)
⇒ le stab ne porte pas
Centrage plutôt arrière et/ou Cm0 faiblement négatif
⇒ le stab est porteur
Conclusion sur l'équilibrage
- Equilibrer un planeur, c’est règler la portance du stab pour que le planeur se comporte autour du CG comme une balance équilibrée qui aurait un ressort spiralé à l’articulation.
⇒Cela correspond à règler le calage et/ou le trim - Selon le centrage ET le Cm0, tout est possible.
Le stab peut être- porteur
- déporteur
- éventuellement neutre (situation particulière)
Centrage et stabilité statique
Planeur soumis à une varation d'incidence (rafale par le bas, coup de profondeur)
Vu de loin…
… la rafale correspond à un incrément de portance ΔCz
Vu de près… on peut localiser le point d’application de l’incrément de portance ΔCz.
Le foyer F est le point du planeur complet où l’incrément de portance ΔCz lié à la variation d’incidence s’applique.
Effet centrage sur la stabilité statique
Etudier la stabilité, c’est regarder, vu de près, les conséquences de la perturbation d’incidence et du ΔCZ sur l’équilibre initial.
Centrage devant le foyer F :
ΔCz ramène le nez du planeur dans le lit du nouveau vent (effet girouette)
⇒ STABLE
Centrage sur le foyer F :
ΔCz n’a aucun effet
⇒ INDIFFERENT
Centrage derrière le foyer F :
ΔCz écarte le nez du planeur du lit du nouveau vent
⇒INSTABLE
Conclusions sur la stabilité statique
- La stabilité ne de discute que si, et seulement si, le planeur est équilibré.
- Etudier la stabilité, c’est étudier si le planeur tends à revenir vers sa position d’équilibre après une perturbation.
⇒ Planeur stable= girouette autour de son CG (nez vers le vent) - La question de la stabilité se résume à la position relative du CG par rapport au foyer F du planeur
⇒ Foyer = limite arrière théorique de centrage.
Stabilité & Equilibre en fonction du centrage
Situation 1 : centrage très avant
- Equilibrage
Stab déporteur, et beaucoup déporteur (possibilité de décrocher) - Stabilité
Planeur très stable, et donc peu manoeuvrant
Situation 2 : centrage très arrière
- Equilibrage
Stab porteur, et beaucoup porteur - Stabilité
Planeur instable, et donc pas volable
Situation 3 : centrage "acceptable"
- Equilibrage
Stab peu chargé (que cela soit porteur ou déporteur, selon Cm0) - Stabilité
Planeur stable, mais suffisamment manoeuvrant
Conclusions
- Pour centrer un planeur, il faut à la fois penser Equilibrage & Stabilité
- Il existe une plage assez large de centrage acceptable qui correspond à la situation suivante
- A l’équilibre, stab peu chargé, que cela soit porteur ou déporteur
- Planeur stable mais marge statique raisonnable pour un planeur manoeuvrant
- Le critère de centrage exact est un critère de comportement en vol, et pas un critère de performance
- Dans la plage de centrage acceptable, la finesse varie très peu avec le centrage
- En revanche, le comportement peut évoluer assez vite avec des petites variations de centrage
- La position exacte du CG dans la plage de centrage acceptable dépend :
- Du planeur : possibilité de phénomènes aérodynamiques parasites
- Du pilote : goûts en termes de manoeuvrabilité et de comportement
Voilà, j'espère que ce petit laïus vous permettra de mieux appréhender les tenants et aboutissants du centrage. Pas de chiffres, mais plutôt des clés pour comprendre la physique des choses, et analyser les règlages en vol.
Matthieu Scherrer Tweet
8 commentaires
Salut,
Je ne suis pas particulièrement « pointu » en aérodynamique, mais je vole beaucoup en plaine et je retrouve parfaitement dans cet exposé le comportement du aux variations de CG.
De mon point de vue .
Un CG tendance arrière serait plus néfaste aux performances globales du fait de l’instabilité de l’appareil, principalement aux vitesses soutenues.
On peut donc avoir une bonne stabilité (CG tendance av) avec une bonne maniabilité en réglant bien les gouvernes (diff, expo, mix…..) , ce qui amène un appareil performant et facile à exploiter dans tout son domaine de vol (vitesse de mise en spirale, exploitation des différents types d’ascendance, Vz mini, transitions lente et rapide, mode floatting, etc…..).
Merci du retour, c’est tout à fait l’esprit que de faire sentir techniquement mais « avec les mains » le vécu en vol, et de comprendre les tenant et aboutissant quand on enlève ou rajoute 20gm dans le nez.
Quand au centrage souhaitable… c’est une autre paire de manche !!
voir le schema de mark Drela, qui discute du comportement d’un planeur en entrée en pompe « vu de l’exterieur » en fonction du niveau de centrage, et donc de stabilité : je pense qu’en plaine c’est important (planeur qui leve le nez ou accelere en rentrant en pompe)
https://drive.google.com/file/d/1BADTTCpXuvaT3hTlzn7NThOrQDge2jbs/view
Document que je connaissais & ai retrouvé récemment dans la synthèse de F Aguerre sur ce sujet précis :
http://rcaerolab.eklablog.com/centrage-perfos-et-ressenti-p1674598
Vélivolement
Matthieu
Bien,
Nous voila conquis, sauf que j’aurai aimé une formule de calcul, mais il reste predim et autres moyens, pouvez vous nous conseiller le plus précis pour un centrage neutre. Votre démonstration ne nous, me permet pas d’ameliorer ce réglage primordial pour les 1er vols. Après c est au senti.
Merci.
Comme écrit plus haut, l’esprit est de faire sentir techniquement mais “avec les mains” le vécu en vol. Pour du quantitatif et des valeurs de cenrage en % ou en mm il faut
1) une stratégie de centrage désiré (neutre, un peu avant, très avant), qu’il faut ensuite savoir quantifier (pas évident…)
2) une prédiction de la position des point FA, FH et surtout F sur la géométrie du planeur considéré, pour mettre le CG en fonction
Pour 1), voir le lien sur la réponse a Legrand
Pour 2), Predim est un bon outil calibré sur les planeurs RC, et assez accessible. Il existe beaucoup d’autres choses, mais potentiellement plus hardues (j’aime beaucoup AVL, mais c’est old school et aride – XFLR5 aussi avec une théorie proche et plus moderne)
Garder a l’esprit que tout outil fournira un résultat chiffré « à l’épaisseur du trait prés », et que dans le cas des planeur RC (bas Re, notamment) le trait est parfois assez épais (peut être de l’ordre de plusieurs % de CMA)… du coup ne pas négliger la puissance du « savoir druidique » des moustachus, qui suffit largement pour assurer un premier vol en sécurité – seulement mis en défaut sur une configuration de planeur hors norme.
Vélivolement
Matthieu
Très bonne présentation tant en ce qui concerne le contenu que la qualité des figures. J’aurais néanmoins quelques précisions et compléments à proposer:
– 25% CMA Aile signifie 25% de la Corde Aérodynamique Moyenne de l’aile. Idem pour l’empennage.
– Les figures mélangent un peu les efforts et les coefficients. Cela n’empêche en rien la compréhension mais en toute rigueur c’est la portance Fz qui est égale à l’opposé du poids Mg et non le Cz
– Il peut être utile de rappeler que ce sont essentiellement les profils symétriques (non cambrés) qui ont un Cm0 nul. Pour les autres profils, le Cm0 est d’autant plus négatif que la cambrure est importante. A noter qu’il existe aussi des profils avec Cm0 > 0. Ce sont les profils à double courbure utilisés sur les ailes volantes.
– La position du CG par rapport au foyer du planeur complet (aile + empennage) est effectivement déterminante pour la stabilité en incidence (stabilité statique). A noter que les Anglo-Saxons utilisent plutôt le terme « Point neutre » (Neutral Point) pour bien illustrer le fait que la stabilité est neutre si on est centré exactement sur ce point.
– Indépendamment de la réponse aux rafales, ne pas oublier que c’est le braquage du volet de profondeur (ou de l’empennage monobloc) qui permet de piloter l’incidence du planeur:
—-> Le braquage nécessaire de la profondeur est d’autant plus important que le CG est en avant du foyer. Plus le CG recule pour se rapprocher du foyer, plus la profondeur devient sensible. Si le planeur est centré nettement en arrière du foyer, il est effectivement inpilotable (du moins manuellement sans stabilisation automatique) mais l’équilibre bien qu’instable est toujours possible. Dans ce cas, il faut de la profondeur à piquer (+ de portance empennage) pour équilibrer une incidence plus élevée, donc à l’inverse du cas normal. Mais à court terme, un braquage à cabrer a toujours un effet cabreur et vice-versa. C’est cette inversion entre les effets statique et dynamique du braquage qui rend le planeur inpilotable.
– Comme à l’équilibre, l’incidence (et donc le Cz) diminue lorsque la vitesse augmente, l’évolution de de position de la gouverne de profondeur (et donc de la position du manche) en fonction de la vitesse caractérise directement la stabilité statique. Pousser beaucoup le manche pour augmenter la vitesse est caractéristique d’un centrage trop avant. Avec un centrage proche du neutre (foyer), la position de manche varie peu avec la vitesse d’équilibre, ce qui évite de perpétuellement re-trimmer et rend le pilotage plus agréable.
Philippe
Merci du retour expert et rigoureux, je ne peux qu’être d’accord avec ce que vous écrivez.
J’élaborerai sur un point : plus on chasse fin sur la théorie pour faire du quantitatif (par exemple viser un CG neutre calculé maitrisé à mieux que 1% de CMA), plus on tombe sur le problème « d’épaisseur du trait » évoqué en réponse à Lazare. En particulier, quand on s’y penche de près, on se rend compte que le point F (neutral point) n’est pas tout à fait fixe dans la vraie vie (stabilité locale autour d’un point de vol), et sur un modèle réduit (bas Re) cela prend des proportions visibles et ressenties en vol, qui est la cause de pas mal d’activité au bar de l’aéroclub sur les sujets de centrage… Et du coup on est dans le cas (frustrant) où l’effort théorique porté vient être invalidé par le vécu en vol…
Face à ces limitations de la théorie, 2 solutions
– Pragmatiquement, on utilise de la théorie « pas trop complexe », et on reste souple et non dogmatique sur les dissonance théories /vécu en vol : c’est à ça que sert la « marge statique », à contenir l’épaisseur du trait… Et le « savoir druidique » des moustachus est un accélérateur pour trouver un centrage en pratique – tant qu’on est dans le « déjà vécu » de ceux ci.
– Scientifiquement, on utilise de la théorie « plus complexe » pour représenter plus de phénomènes et réduire les défauts de représentation. Sur le sujet du CG des planeurs bas Reynolds il faut être honnête je pense que cette théorie n’est pas vraiment écrite (ou du moins pas diffusé) mas il y a des gens dans l’aéronautique qui savent des choses sur des sujets connexes.
Plus dans le détail :
Pragmatique
Je range dans la famille de la théorie « pas trop complexes » toutes les approches aéro linéaire (AVL, Predim RC) sous jacente à la notion de foyer/neutral point. Votre dernier paragraphe est cohérent de cette approche
Mais on assiste parfois a des choses surprenantes & qui brouillent les cartes en modèle réduit (tuck under, planeur reputé incentrable cause mauvais profil), qui sont dur a faire « rentrer » dans la theorie – de la même facon qu’elles mettent à défaut le « savoir druidique » des moustachus…
Scientifique
Dans la famille « théorie plus complexe », il faut a minima du « lineaire local » (stabilité locale) et sinon du non linéaire. J’avais tenté d’écrire qq chose dans ce sens mais c’est ardu… https://scherrer.pagesperso-orange.fr/matthieu/aero/papers/extended_stability_%20theory_for_models.pdf
Cette théorie n’apporte pas en soi de solution pratique pour régler un planeur, mais ces réflexions m’ont permis de « retourner le problème » au moins 2 fois dans ma carriere de reglage en vol : le mieux est parfois mieux de cesser de tenter de résoudre tout avec le centrage, et de résoudre le problème à la racine par des des modifs aero « fine » (cad tuer les non linéarités dans l’oeuf).
https://scherrer.pagesperso-orange.fr/matthieu/aero/nimbus4e.html
La difficulté étant de faire cela sans gâcher la performance… dans le cas du Nimbus ci dessous, on est passé à impilotable qui glisse à pilotable qui glisse moins… Et je l’ai cassé avant de trouver le bon tuning…
Voila j’ai beaucoup écrit, j’espère que tout ceci ne vous semble pas trop « à l’ouest »…
Au plaisir d’échanger
Vélivolement
Matthieu
Bonjour,
Après la lecture de votre document qui m’a bien éclairé sur les questions primordiales du centrage je me permets de vous contacter pour un avis sur l’amélioration du centrage d’un ULM type Gaz’aile (biplace aile basse) qui est connu pour être centré arrière.
Le concepteur (Serge Pennec -RSA) annonce une plage de centrage possible entre 18 et 38% de la corde, l’aile est rectangulaire de 8m d’envergure et 95cm de corde. Le profil est un NACA 64-316 (laminaire). Je n’ai pas trouvé d’information sur ce type de profil en terme de performances et plage d’application de la portance. Le point haut de la courbe de l’extrados est à 37cm du bord d’attaque (point zéro).
A vide, le centrage est déjà à 23% pour 306 kg de masse. Je précise que le moteur est un 4 cylindres en ligne avionné (TU3D) de PSA Citroen et qu’il est très lourd (120kg avec le réducteur).
Le centrage arrière limite est vite dépassé avec 2 personnes à bord et le plein, soit 40%, donc pas volable. Aux grands angles, il devient vraiment instable en roulis, tendance à partir brutalement d’un côté ou de l’autre. Cet ULM doit pourtant répondre au critère de Vi de décrochage de 70km/h à la Vso mais je n’ai pas pu tester cette valeur par crainte d’un départ en vrille à plat.
En vol, seul a bord pour les essais, la machine est extrêmement sensible sur l’axe de tangage et très réactive aux rafales latérales et verticales (lors d’un essai en condition vent d’est turbulent). Il est également sensible au roulis mais Il reste toutefois pilotable. Par contre en croisière il est très stable et rapide.
Pensez-vous qu’un alourdissement de l’avant avec une ou plusieurs gueuses pourrait améliorer son comportement. Selon mon abaque de centrage il faudrait ajouter 10 kg de gueuse au nez pour revenir à 18% à vide et 38% à pleine charge. Pensez-vous que ce soit aussi simple que cela pour revenir à un comportement en vol plus stable ?
Merci de votre avis.
Bonjour Dalayrac, Même si les domaines sont proches, nos articles ne sont pas transposables pour l’aviation habitée. Un aéronef grandeur est complexe et les interactions aérodynamiques différentes. Je vous préconise plutôt de vous rapprocher du constructeur ou d’un laboratoire d’aérodynamique.