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Histoires de centrage

Ou comment bien centrer son planeur

          Sur le terrain, j’ai remarqué que certains ne savaient pas trop quoi faire pour bien centrer leur planeur, voire même ignoraient la position du centre de gravité (CG). Or un centrage correct est indispensable d’abord pour éviter un crash dès le premier vol et ensuite pour procurer des caractéristiques de vol sûres et agréables. Sur un planeur de taille moyenne, un bon centrage se joue parfois à quelques millimètres près et il est donc préférable de procéder avec méthode.

1. A l'atelier

          La première étape incontournable consiste à vérifier où se situe le CG par rapport à la position indiquée sur le plan ou la notice. Ceci doit être impérativement réalisé dans un endroit fermé car le moindre courant d’air fausse la mesure. Un outillage couteux pour mesurer la position du CG n’est pas indispensable. En soulevant le planeur par les index placés sous les emplantures d’ailes, on arrive à obtenir une précision satisfaisante à ce stade. Si le CG apparaît être en dehors de la valeur préconisée, il faut rajouter du lest à l’avant ou à l’arrière du fuselage pour le ramener à la bonne valeur. Dans le cas d’un planeur électrique, il est préférable si cela est possible, de jouer sur la position de la batterie, pour éviter de rajouter du plomb (faire « voler du plomb » n’est pas l’objectif de l’aéromodélisme !).

          On vérifiera également le débattement du volet de profondeur par rapport à la notice. Si rien n’est indiqué, on peut partir avec débattement de +/- 30% de la corde du volet. C’est-à-dire +/- 6mm pour un volet de 20mm. Pour un empennage entièrement mobile (rarement le cas sur les planeurs RTF en mousse), il faut en gros diviser par 2 les angles de débattement par rapport à un volet.

          Peser le planeur.

 

2. Premier vol

          Une fois l’étape 1 réalisée, on peut aller au terrain faire un premier vol sans risque de crash dû à un mauvais centrage, ce qui malheureusement n’exclut pas de se crasher pour d’autres raisons… Néanmoins, il faut savoir que le centrage préconisé par les notices, en particulier celles des planeurs livrés prêts à voler (RTF), est très souvent trop avant, ceci pour donner une marge de sécurité importante aux pilotes débutants. Par exemple, le centrage de 70 mm à partir du bord d’attaque préconisé sur l’EasyGlider est nettement trop avant pour un pilotage agréable (75 mm est bien meilleur). La seconde étape consistera donc à identifier si le planeur est centré trop avant ou non. Le risque d’être centré trop arrière est quasiment inexistant si on part avec le centrage de la notice.

3. Comment se traduit un centrage trop avant

          Un centrage trop avant se traduit par certaines caractéristiques de vol, la plupart étant désagréables mais néanmoins pas dangereuses. En voici une liste non exhaustive :

  • Il faut beaucoup tirer sur le manche (ordre à cabrer) pour conserver la vitesse en virage ou en spirale.
  • Il est impossible (ou difficile) de faire décrocher le planeur, à partir de conditions de vol normales, en tirant progressivement sur le manche jusqu’à la butée à cabrer (Si on débute par une ressource, on arrive toujours à le faire décrocher)
  • Il faut pousser beaucoup sur le manche pour le faire accélérer ou ce qui est équivalent, constamment re-trimmer pour passer d’une vitesse stabilisée à une autre vitesse stabilisée. Il est important de noter que la déflexion de manche (ou de volet de profondeur) nécessaire pour passer d’une vitesse à une autre est un indicateur direct de la marge de centrage et de stabilité.
    Comme on le verra plus loin, un planeur bien centré n’a besoin que de peu déflexion de manche
    pour changer de vitesse de vol.
  • Le planeur tend à accélérer lorsqu’il rencontre une ascendance
  • La manœuvre d’atterrissage est particulièrement facile. Le planeur réagit de façon douce et précise lors de l’arrondi final. C’est bien la seule caractéristique de vol agréable avec un centrage trop avant !
  •  Le planeur a tendance à faire des « montagnes russes » dès qu’on ne pilote plus la profondeur après une variation de vitesse, ou oublié de re-trimmer, ce qui revient au même.

4. Le test du piqué

          En plus de ces caractéristiques de vol identifiables en conditions de vol habituelles, on peut mettre en évidence un centrage trop avant en réalisant le fameux « test du piqué ». Cela consiste ni plus ni moins à générer une augmentation de vitesse et voir comment le planeur se comporte ensuite sans toucher à la profondeur. Pour générer cette augmentation de vitesse, deux options sont possibles.
Dans les deux cas, il faut bien sûr partir d’assez haut pour éviter d’avoir à récupérer en urgence le planeur à l’approche du sol avant d’avoir pu constater son comportement lors du test.

  • Première option : A partir d’un vol en ligne droite stabilisé bien trimmé en tangage, on met en le planeur en piqué en poussant le manche. Une fois l’assiette à piquer désirée atteinte (certains parlent de 45° mais un angle bien moindre est en général suffisant), on ramène doucement le manche vers la position neutre.
  • Deuxième option : Au lieu de générer un piqué à la profondeur, on incline seulement le planeur aux ailerons (au moins 30° d’inclinaison) puis on remet les ailes à plat. Cette manœuvre va également générer une mise en piqué mais comme on ne pousse pas le manche, le test est moins perturbé par les braquages transitoires de la gouverne de profondeur entre le début et la fin de manœuvre. C’est l’option recommandée par certains modélistes expérimentés.
    La manière dont le planeur sort naturellement du piqué indique si le centrage est correct ou non, comme d’ailleurs la déflexion de manche en fonction de la vitesse mentionnée plus haut. Ceci pour dire que ceux qui sont « allergiques » à ce test peuvent le remplacer simplement en regardant avec attention comment évolue la position trimmée de la gouverne de profondeur en fonction de la vitesse.
Figure 1 - Test du Piqué

                        1er cas : Le planeur cabre et remonte assez brusquement. Sans aucune action, il va effectuer une succession de « montagnes russes », plus ou moins rapides, avant de stabiliser de nouveau (en général, il faut le récupérer avant qu’il s’éloigne de trop). Ce comportement indique que le planeur est centré trop avant.
                        2ème cas : Le planeur sort du piqué très progressivement avant de s’engager dans une trajectoire légèrement ascendante. C’est la réponse idéale preuve d’un centrage correct, en particulier pour le vol de loisir en plaine.
                        3ème cas : Le planeur continue tout droit en conservant l’angle de piqué. Cela correspond à un centrage dit « neutre » ou « limite arrière ». Ce type de centrage est apprécié par les experts, notamment en vol de pente. La réponse au manche est agréable car ne nécessitant plus aucune action au trim de profondeur lors des changements de conditions de vol (position de manche invariante avec la vitesse). La contrepartie est qu’il est difficile de maintenir la vitesse de vol, en particulier lorsqu’on vole haut et qu’on ne voit pas l’assiette du fuselage. C’est pourquoi, ce centrage est à proscrire pour le Vol de Plaine où l’on monte assez haut dans les ascendances et reste plutôt réservé au Vol de Pente.
                       4ème cas : Le planeur accentue son piqué et il faut le récupérer rapidement avant que cela se termine très mal. L’atterrissage est ensuite assez délicat. On est alors dans le cas d’un centrage trop arrière, nettement au-delà de la limite assurant une stabilité correcte.

5. Comment ramener le CG à une position correcte

          On ne s’intéresse qu’au cas d’un centrage trop avant puisque comme dit précédemment, le respect du centrage notice exclut en pratique de se retrouver trop en arrière.

          La règle d’or est de reculer le centrage très progressivement et par étapes successives. Pas question d’y aller « à la louche » au risque de se retrouver centré trop arrière et se crasher. La méthode que je préconise est sans risque et applicable directement sur le terrain. Elle consiste à reculer le centrage par étapes successives (incréments) de 2 mm, ce qui représente 1% d’une corde d’aile de 200 mm (valeur typique sur un planeur).

        Avant de commencer, il faut :

  • Connaitre la masse du planeur en ordre de vol en se basant sur la notice ou mieux, en le pesant à l’atelier. Pas besoin d’une grande précision, à 100 grammes près peut être suffisant sauf dans le cas d’un planeur très léger (exemple: planeur « lancé main »).
  • Il faut également avoir en poche quelques plombs calibrés de 5 grammes et(ou) de10 grammes.
  • Connaître la position du CG de départ (Etape 1).

Pour reculer le CG de X mm, il suffit de scotcher le plomb sur la poutre de queue à une distance L en arrière du CG initial. Cette distance se calcule avec une simple règle de trois :

                        L = X * Masse planeur / Masse plomb

Prenons l’exemple d’un planeur de 1 Kg (1000 g), pour reculer le CG de 2 mm avec un plomb de 5 grammes, on obtient    L = 2 x 1000 / 5 = 400 mm

C’est donc à 400 mm en arrière du CG initial qu’il faut scotcher le plomb de 5 grammes. Si on a qu’un plomb de 10 grammes, il suffit de le mettre à 200 mm au lieu de 400 mm.

On repart en vol dans cette configuration. Au préalable, il est préférable de trimmer un tout petit peu la gouverne de profondeur dans sens à piquer (environ 1 – 2 mm). Si le test du piqué traduit encore un centrage nettement trop avant, on reculera le CG d’encore 2 mm au prochain vol. Ce peut être réalisé :

  • Soit en éloignant deux fois plus le plomb par rapport CG initial : 400 mm -> 800 mm, si la longueur de la poutre de queue le permet.
  • Soit en remplaçant le plomb de 5 grammes par un de 10 grammes placé au même endroit.

Si le test du piqué traduit un centrage juste un peu trop avant, on ne reculera le centrage que de 1 mm au prochain vol, ce qui revient à un centrage 1.5% (3 mm) en arrière du CG initial. Pour cela, il suffit de reculer le plomb de 5 grammes de 200 mm sur la poutre de queue (600 mm en arrière du CG initial).
On continue de procéder de cette manière, en déplaçant progressivement le plomb comme un curseur sur la poutre de queue, jusqu’à obtenir le bon centrage, ou plus précisément celui convenant le mieux pour le type de vol souhaité (vol de pente ou de plaine)

6. Comment finaliser le bon centrage

Plusieurs solutions sont possibles :

          • On peut tout simplement laisser en place le plomb de 5 grammes sur la poutre de queue. Ce n’est pas le plus esthétique mais cela n’affecte pas la performance (la traînée et le supplément de masse rajoutés par le plomb ont un effet négligeable). Mon Easy Glider vole comme ça depuis plusieurs années et ne s’en porte pas plus mal.

          • On peut retirer du lest dans le nez, s’il y en avait déjà au départ, pour obtenir le même effet que le plomb sur la poutre de queue. Pour savoir combien de lest il faut enlever à l’avant après avoir retiré le plomb de réglage sur la poutre de queue , la règle est simple :

                        Lest à retirer = Masse plomb * L / Distance entre lest et CG

Exemple : si le lest de nez se situe à 200 mm en avant du CG, pour remplacer un plomb de 5 grammes placé à 600 mm en arrière du CG, il suffit d’enlever :

                        5 x 600 / 200 = 15 grammes de lest.

          • Dans le cas d’un planeur motorisé, on peut reculer l’accu de propulsion, si la place disponible dans le fuselage le permet (pas toujours le cas avec les RTF en mousse). C’est très efficace car la masse de l’accu est très largement supérieure à celle du plomb utilisé pour régler le centrage. Ici encore, la règle est très simple :

                        Recul de l’accu = Masse plomb * L / Masse accu

Exemple: prenons le cas d’un accu d’une masse de 200 g. Pour obtenir un effet équivalent à un plomb de 5 grammes placé à 600 mm en arrière du CG, il suffit de le reculer l’accu de :

                        5 x 600 / 200 = 15 mm

Autre variante intéressante, on peut aussi utiliser directement l’accu de propulsion pour ajuster finement le centrage par calcul et sans passer par l’intermédiaire d’un plomb de réglage sur la poutre de queue. Le recul du CG dû à un recul de l’accu vaut:

                        Recul du CG = Recul de l’accu * Masse accu / Masse à vide planeur

Prenons l’exemple d’un planeur de 1000 g à vide (sans accu) équipé d’un accu de 200 g. Un recul de 5 mm de l’accu reculera le CG de 1 mm, et inversement si l’on veut au contraire l’avancer:
                        5 mm x 200 / 1000 = 1 mm

Il est remarquable de constater que le recul (ou avancée) du CG ne dépend que la variation de position de l’accu et non de la position de l’accu lui même. Ainsi qu’il soit près du nez ou plutôt à l’arrière du cockpit, un recul de X mm de l’accu aura toujours le même effet sur le recul du CG.

Cette méthode simple pour optimiser le centrage ne nécessite aucun outillage particulier et peut être mise en œuvre facilement sur le terrain lors des premiers vols.

Pour ceux qui sont à l’aise avec les logiciels, il existe sur internet plusieurs freewares permettant de calculer le bon centrage, par exemple « Predim » qui offre l’avantage d’être en français.
Néanmoins, ces logiciels nécessitent d’entrer pas mal de données géométriques du planeur et le centrage recommandé obtenu n’est que le résultat d’un calcul théorique qu’il sera toujours nécessaire d’affiner par une mise au point en vol

Ph. Rollet 

7 commentaires

  • Merci pour ces rappels et surtout les formules de calcul. Vous ne parlez pas de V longitudinal, exprès ?!

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    • Oui,c’est exprès. Le V longitudinal n’influence pas la position du foyer du planeur complet et donc sa stabilité. Son seul effet est le braquage statique de la profondeur nécessaire pour voler à une vitesse donnée. Le bon centrage est lié à la distance CG-Foyer (appelée marge statique).
      Par contre le V nécessaire dépend du centrage. Un planeur centré avant a besoin de plus de V qu’un planeur centré arrière.
      En résumé, c’est le V qui dépend du centrage et non l’inverse.

      Répondre
      • Un vent de face ou arrière modifie la pente (angle de descente) par rapport au sol. Un vent de face l’augmente, un vent arrière la diminue. De plus, le gradient vertical de vent (force du vent qui diminue lorsqu’on se rapproche du sol) peut modifier la réponse du planeur lors du piqué, donc fausser le résultat.
        Il vaut donc mieux faire le test par vent faible mais il existe aussi une alternative permettant de s’affranchir des effets du vent. Il suffit de faire le test vent de travers. Ainsi il n’y a pas de composante de vent dans le sens de la trajectoire et celle-ci n’est pas perturbée, que ce soit visuellement (pente de descente par rapport au sol) ou réellement par un effet de gradient.
        En VdP, il suffit de monter suffisamment haut en s’éloignant de la pente pour trouver un air calme et avoir assez « d’eau sous la quille » puis de faire le test devant soi.

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